L’Algérien Abou Oubaïda Youssef al-Annabi a été désigné à la tête d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Qu’est-ce que ce changement va apporter dans la dynamique de lutte du groupe terroriste ?
Juste après sa désignation, Abou Oubaïda Youssef al-Annabi a reçu l'allégeance de plusieurs groupes djihadistes actifs au Sahel et rassemblés depuis 2017 au sein du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, également appelé JNIM) d’Iyad Ag Ghaly. Laurent Bigot, ancien diplomate français, aujourd'hui consultant indépendant indique que ce changement à la tête d’Aqmi devrait avoir peu d'effets sur le terrain.
"On a connu déjà des éliminations de chefs de groupes terroristes, que ce soit dans le Sahel ou ailleurs dans le monde. On pense à l'Afghanistan, à la Syrie ou à l'Irak. Et ça ne change pas fondamentalement la donne. En fait, il y a un nouveau chef qui accède au commandement. Et puis, la lutte se poursuit. Il y a une période de désorganisation des groupes terroristes quand leur chef est abattu. Mais généralement, ce sont des groupes qui sont assez bien organisés et qui prévoient des seconds en chef et qui montent ensuite en puissance. Donc, il n'y a pas de raison de penser que c'est comme le disent les militaires, que ça constitue une surprise stratégique".
Abou Oubaïda Youssef al-Annabi, dont le nom figure sur la liste noire américaine des "terroristes internationaux" depuis septembre 2015, est un féru des réseaux sociaux. Il dirigeait la branche médias d'Al-Qaïda au Maghreb islamique et apparaît régulièrement dans les vidéos du groupe. De l’avis du sociologue Mohamed Amara, auteur de l’essai "Le Mali rêvé", cela est un atout pour la nébuleuse terroriste.
"Quand ils décapitent, quand ils font des actions qui sont des actions terroristes pour semer la psychose au sein de la population, et pour que tout le monde parle d'eux, ils passent par les médias. Ce Monsieur, (Abou Oubaïda Youssef al-Annabi), il les maîtrise. Donc, il va continuer à les utiliser."
Une opinion que relativise l’ancien diplomate français Laurent Bigot.
"Ils savent à la fois jouer avec la technologie. C’est-à-dire être présent sur les réseaux sociaux et communiquer avec les technologies les plus modernes. Et ils savent aussi s’en détacher. Puisque je rappelle que c’était déjà le cas en Afghanistan, c’est aussi le cas dans le Sahel. Ils utilisent des messagers, donc des êtres humains qui portent des messages écrits, de façon justement à ne pas être tracés par la technologie. Parce qu’ils savent que leurs adversaires, c’est-à-dire nous les occidentaux, avons un avantage technologique. Comment font-ils pour recruter ? Ils utilisent à la fois la terreur et ils séduisent aussi. C’est-à-dire qu'ils fournissent des vivres, ils promettent à des combattants d’acquérir un statut social, en devenant membre des groupes armés."
On se rappelle encore les images montrant le patron du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, également appelé JNIM), Iyad Ag Ghaly, festoyer au cours d’un banquet pour célébrer la libération, mi-octobre, d'environ 200 djihadistes en échange de Sophie Petronin, Soumaïla Cissé et deux otages italiens. Ceci participe de cette stratégie de séduction de ces groupes djihadistes, conclut Laurent Bigot.