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30 ans après le génocide, le travail de mémoire continue

Paul Lorgerie
5 avril 2024

Au Rwanda, tandis que le pays s’apprête à commémorer les 30 ans du génocide des tutsi, le devoir de mémoire semble toujours au centre d’une politique d’union nationale.

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Des restes des victimes du génocide de 1994 au Rwanda
Les tueries du printemps 1994 ont été déclenchées au lendemain de l'attentat contre l'avion du président hutu Juvénal Habyarimana, dans une frénésie de haine alimentée par une virulente propagande anti-Tutsi.Image : DW

Au cœur de tout ce travail de mémoire, l’association Ibuka, autrement dit Souvenir en kinyarwanda, qui s’efforce de documenter le massacre de 800.000 personnes, perpétré entre avril et juillet 1994.

“Ils leur ont tiré dessus, utilisant des pistolets et des grenades, de 17h à 20h”, s'est souvenu Gilbert Gasigwa, membre de l’association Ibuka.

Depuis le sommet d’une des nombreuses collines de la capitale rwandaise où trône aujourd’hui un mémorial, il égrène le nom des centaines de victimes qui ont été massacrées à cet endroit même, le 11 avril 1994.

“Bebe, Happy, Papy, Kobwa... Kobwa qui veut dire jeune fille. La preuve que nous ne connaissons pas leurs vrais noms pour certains.

Des dizaines de milliers de morts

Plus de 100.000 personnes sont enterrées ici. Et chaque année, de nouveaux corps, 40 en 2023, y sont apportés afin que ces inconnus reçoivent une sépulture digne de ce nom.

Des crânes des victimes du génocide de 1994 au Rwanda.
Depuis son lancement en avril 2023, un collectif a bénévolement réalisé environ 450 portraits de victimes du génocide. Une goutte dans l'océan de sang des 800.000 morts, majoritairement Tutsi mais aussi des Hutu modérés, tués entre avril et juillet 1994 par le régime extrémiste hutu.Image : SIMON MAINA/AFP

Pour ne pas les oublier, l’association Ibuka, créée en 1995, et ses partenaires, s’efforcent encore aujourd’hui de rassembler les éléments de preuve qui pourraient exister dans chaque recoin du pays.

Par exemple, si une personne a été arrêtée, les personnes qui font le procès peuvent très bien venir à Ibuka afin de voir si une quelconque documentation peut aider à juger cette personne”, a expliqué Angele Nirere, archiviste de la structure.

Un devoir de mémoire qui fait aujourd’hui aussi partie de la politique de réconciliation. Et si l’opposante Victoire Ingabire reconnaît de grandes avancées, elle considère également que la réconciliation n’est que partielle et que la mémoire a été sélective.

“La rébellion à cette époque, qui est aujourd’hui au pouvoir, combattait pour accéder au pouvoir et certains de leurs soldats ont commis des crimes contre l’humanité. Et jusqu’à aujourd’hui, il n’y a pas d’espace pour ces victimes de crimes", a-t-elle estimé.

Quoi qu’il en soit, une large partie de la population rwandaise se recueillera dimanche pour le début des commémorations du génocide.