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L'Erythrée, un Etat dirigé d'une main de fer

Isaac Kaledzi | Carole Assignon
24 mai 2023

L'Erythrée célèbre ses 30 ans d'indépendance mais est dirigé depuis par Isaias Afwerki dont le régime est considéré comme étant dictatorial.

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Isaias Afwerki lors d'un discours
Isaias Afwerki, le président ErytréenImage : Khalil Senosi/AP Photo/picture alliance

L'indépendance de l'Erythrée et été proclamée en 1993, après la victoire de la rébellion du Front de libération du peuple érythréen et un référendum organisé au terme de deux ans de transition. Depuis sa naissance, l'Erythrée est toutefois resté un Etat opaque. Ce petit pays de la Corne d’Afrique est dirigé depuis son indépendance par Isaias Afwerki, dont le régime dictatorial est parfois comparé à celui de la Corée du nord.

Le temps de l'espoir

En 1991, Isaias Afwerki était considéré comme un héros national lorsqu'il dirigeait le Front de libération du peuple érythréen (EPLF) pour obtenir l'indépendance de l'Éthiopie.

La guerre d'indépendance a en effet opposé le gouvernement éthiopien à des mouvements séparatistes érythréens.

Des déplacés d'Erythrée dans un camp du HCR en train de s'enrégistrer
Des déplacés d'Erythrée dans un camp du HCRImage : EDUARDO SOTERAS/AFP/Getty Images

Michela Wrong, auteure et journaliste britannique spécialiste de l'Erythrée, rappelle que de nombreux Erythréens de la diaspora étaient à l'époque de l'indépendance ravis de rentrer chez eux avec leurs compétences mais aussi pour investir dans le pays après avoir fui à l'étranger sous Mengistu Hailé Mariam. Les anciens combattants cherchaient à se réinsérer dans la société.

"C'était une période pleine d'espoir. Les combattants qui avaient fait partie de l'EPLF étaient en train de se démobiliser. Ils avaient libéré le pays et ils ne voulaient pas rester des combattants ou des rebelles. Alors ils réintégraient la vie civile " se souvient Michela Wrong.

L'autocratie prend place

Isaias Afwerki a été le premier président de l'Erythrée après l'indépendance. Un poste qu'il occupe depuis 1993. Mais tout a très vite dérapé lorsqu'en 1998, la guerre éclate entrel'Ethiopie et l'Erythrée pour le contrôle de la ville de Badme, située à la frontière entre les deux pays.

Une guerre qui n'a pris fin qu'en 2018. Mais elle aura fait des dizaines de milliers de morts et beaucoup de déplacés.

Le régime d'Isaias Afwerki s'est par la suite durcit, selon Fidel Amakye Owusu, analyste et spécialiste des relations internationales.

"Il y a beaucoup de dissidents érythréens ou de personnes qui ont fui l'Erythrée, non pas à cause d'un conflit interne, mais pour échapper à l'autoritarisme et à l'autocratie " explique-t-il.

Les dissidents sont en effet soit arrêtés soit contraints de rester en exil. La liberté de la presse a aussi subi un coup dur avec la fermeture de plusieurs médias et l'arrestation de plusieurs journalistes.

Les églises qui étaient très actives dans le pays ont également été fermées, les universités sont même devenues des collèges techniques militaires.

La Corée du Nord de l'Afrique

Pour des analystes comme Fidel Amakye Owusu, l'Erythrée sous Isaias Afwerki est semblable à la Corée du Nord : recluse, secrète et isolée.La posture répressive et paranoïaque du régime a également contraint de nombreux jeunes à fuir le pays, notamment en raison du service national érythréen qui exige que tous les diplômés rejoignent l'armée.

Le président de l'Erythrée Isaias Afwerki, son homolgue somalien Mohamed Abdullahi Mohamed et le premier ministre de l'Ethiopie Abiy Ahmed en novembre 2018
L'Erythrée a soutenu l'Ethiopie pour combattre les forces tigréennesImage : Eduardo Soteras/AFP/Getty Images

Depuis la levée des sanctions en 2018, Isaias Afwerki s'efforce de se recréer. La guerre entre les forces éthiopiennes et les combattants tigréens lui en a offert l'occasion.

L'Erythrée, qui partageait une frontière directe avec le Tigré, a soutenu le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed pour combattre les forces tigréennes.

Quant à la Chine et la Russie, ils restent les seuls alliés de l'Erythrée sur le plan international. Le pays a ainsi été l'un des seuls au monde à avoir refusé de condamner l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Et à 77 ans, Isaias Afwerki ne semble toujours pas disposé à passer la main."Il n'est évidemment pas dans le jeu du partage du pouvoir. C'est l'homme qui a centralisé le pouvoir entre ses propres mains. Je pense qu'il va être là pour rester. Nous avons vu une tentative de coup d'État occasionnelle, généralement très mouvements avortés au sein de l'armée qui ont été écrasés extrêmement rapidement. Je pense qu'il est en position de force" estime Michela Wrong.

Pour Fidel Amakye Owusu : "Il n’ya pas de plan de succession clair en Erythrée" et le chef d’Etat erythréen fait beaucoup de tort à sa propre population en s'accrochant au pouvoir, en n'ouvrant pas l'économie et en maintenant l'Érythrée isolée.

DW Französisch Carole Assignon
Carole Assignon Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique