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Au Sénégal, les candidats attendus aussi sur la migration

Saleh Mwanamilongo
20 mars 2024

En 12 ans à la tête du pays, Macky Sall n'a pas réussi à enrayer les départs des jeunes vers l'Europe. Que devrait faire le nouveau pouvoir en la matière ?

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Des jeunes assis à Dakar
Au Sénégal, la moitié des 18 millions d'habitants ont moins de 18 ans (statistiques officielles) Image : DW/J. von Mirbach

Selon des ONG espagnoles et l'agence européenne Frontext, les Sénégalais sont les plus représentés, avec les Marocains, parmi les migrants arrivés arrivés en 2023 dans l'archipel espagnol des Canaries, l'une des portes d'entrée  de l'Europe. Parmi eux, une grande majorité de jeunes. Un nombre inconnu mais élevé ont péri en mer.

"Macky Sall avait 12 ans pour régler le problème !" (Moustapha Fall)

Pourtant, en novembre dernier, le président Macky Sall avait proposé un plan de lutte contre l'immigration illégale. Mais pour Moustapha Fall, président de l'Association nationale des partenaires migrants (ANPM), ces mesures arrivent trop tard. Au micro de la DW, il explique ce que devrait faire, selon lui, le prochain président pour dissuader ceux qui souhaitent partir. 

Retranscription de l'interview 

DW: Moustapha Fall, bonjour

Moustapha Fall : Bonjour.

DW : Pourquoi les jeunes Sénégalais sont ils de plus en plus nombreux à vouloir quitter le pays en passant par la mer ?

Moustapha Fall : Parce que tout simplement, ils sont désespérés. Ils n'ont aucun espoir de rester au pays parce que rester au pays auprès de tes parents, sans travailler, sans une bonne formation... [ils préfèrent] en tout cas abandonner ce pays, donc prendre les pirogues pour essayer de rejoindre l'Europe, travailler pour accumuler des revenus et faire vivre la famille restée au pays.

DW : Quelle est la tendance actuellement, est-elle en baisse pour ceux qui partent?

Moustapha Fall : Ah non ! Sur l'année, il faut dire que c'est en hausse, absolument. Parce que fin 2023, nous avons véritablement enregistré beaucoup de départs. Parce qu'il y avait beaucoup de perturbations (...) notamment pour des raisons politiques, parce que beaucoup de jeunes ne sont pas d'accord avec les politiques mises en place.

DW : Quelles sont les vraies raisons pour ceux qui tentent de s'en aller ?

Moustapha Fall : Les véritables raisons, c'est les politiques publiques mises en place qui n'ont pas eu la satisfaction envers les jeunes. Beaucoup de jeunes n'ont pas une très bonne éducation, ceux qui en ont ne trouvent pas de travail et du coup beaucoup de jeunes essayent de prendre des barques pour essayer de rejoindre l'Europe

DW : Est ce que les candidats à la présidentielle font de l'immigration l'un de leurs thèmes de campagne ? 

Oui, la plupart des candidats ont abordé ces thèmes, [c'est] inclus dans leur programme. Mais ce ne sont que des discours politiques, des promesses électorales. Nous ne pouvons pas se fier à ces discours. Nous les attendons à l'épreuve.

DW : Que doit faire le prochain président pour mettre fin à cette problématique de l'immigration clandestine ?

Moustapha Fall : Il n'y a pas à chercher de midi à 14h. Donc le problème est là. Nous les connaissons nous tous, nous connaissons le problème. Il n'y a rien à faire que de mettre en place des programmes, donc capable de prendre en charge les préoccupations des jeunes, notamment sur l'emploi et sur l'employabilité. C'est la formation véritablement et mettre en place des mécanismes, donc capable de financer d'un coup les projets des jeunes. 

DW : Le président Macky Sall a ordonné en novembre des mesures d'urgence pour endiguer ce fléau en pleine expansion. Où en sommes-nous aujourd'hui ? 

Moustapha Fall : Le président Macky Sall, il était là pendant douze ans ! S'il voulait véritablement régler le problème, il avait douze ans pour régler ! Il ne lui reste même pas quelques mois, donc il donne des instructions pour endiguer. Non, je suis vraiment désolé, mais ce n'est pas le cas. Il avait douze ans pour véritablement mettre en place des programmes capables de fixer les jeunes au pays. 

DW : Y a-t-il des initiatives pour convaincre les jeunes de rester chez eux à travers des petits projets économiques ? 

Moustapha Fall : En fait, nous, en tant qu'association, nous n'avons pas la prétention de régler tous les problèmes. Mais tant bien que mal, nous essayons d'encadrer les migrants de retour et les jeunes potentiels migrants en essayant de les fixer au pays. Parce que si vous dites aux jeunes de ne pas prendre les pirogues pour aller en Europe, il faut quand même des alternatives économiques.

DW : Comment se fait la prise en charge des victimes de l'immigration au Sénégal ? Avez-vous des structures d'accompagnement ?

Moustapha Fall : Notre association, nous faisons ce travail, nous accompagnons et nous rencontrons des migrants de retour qui sont en difficulté, notamment sur la prise en charge psychosociale. Nous ne sommes pas une organisation étatique. Nous ne sommes qu'une petite organisation de la société civile et nous avons de maigres moyens et nous n'avons pas la prétention de régler tous les problèmes. Ce n'est pas à nous de régler les problèmes, mais en tout cas, c'est à l'Etat du Sénégal de prendre en charge tous ces problèmes. 

DW : Cette semaine, l'Union européenne a signé avec l'Egypte un accord d'aide portant notamment sur des questions migratoires. Mais bien avant lui, il avait conclu le même accord avec d'autres pays de l'Afrique du Nord. Pensez vous que le Sénégal devrait faire pareil ?

Moustapha Fall : Tous ces milliards qui sont investis dans Frontex en vue d'endiguer l'immigration (...), ils pouvaient les investir dans des projets, sur des programmes capables de régler le problème de l'emploi, le problème de la jeunesse ... plutôt que d'investir tous ces milliards dans la forteresse, de manière à dissuader les jeunes à ne pas prendre les pirogues. 

DW : Est- ce que ce sont des opportunités qui manquent pour rester sur place ou c'est simplement l'envie de partir ? 

Moustapha Fall : C'est vrai que j'ai vu beaucoup de jeunes qui avaient du travail, mais par leur position politique (...), ils ont été persécutés et du coup, ces jeunes ont préféré quitter le pays à travers la route du Nicaragua pour essayer de rejoindre l'Amérique. C'est vraiment désolant et nous l'avons dénoncé véritablement.