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PolitiqueAllemagne

L'Allemagne réorganise son armée

Sandrine Blanchard | Bernd Riegert
4 avril 2024

Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, annonce une refonte de la Bundeswehr, sur quatre piliers et avec un commando de soutien commun. Il réfléchit aussi à réintroduire le service militaire.

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Les chaussures de nouvelles recruses de la Bundeswehr en rang, à Hambourg (mars 2023)
La Marine, l'armée de terre, l'armée de l'air et une nouvelle entité sur le cyberImage : ABB/picture alliance

La Bundeswehr va se doter d'une nouvelle structure de commandement. L'annonce en a été faite par Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, lors d'une conférence de presse.

Ce remodelage de l'armée allemande, ainsi que les projets de réarmement affichés par le chancelier Olaf Scholz, surviennent sur fond de guerre en Ukraine et alors que l'Otan célèbre aujourd'hui ses 75 ans d'existence.

Création durant la Guerre froide

L'Organisation du Traité de l'Atlantique nord (Otan) a vu le jour en 1949, au début de la Guerre froide. L'Alliance atlantique regroupe alors le bloc occidental autour de la puissance nucléaire des Etats-Unis. En face, le Pacte de Varsovie regroupe, lui, à partir de 1955, les alliés de l'URSS.

Belgien | Flaggen vor dem NATO-Hauptquartier
Image : Janine Schmitz/AA/photothek.de/picture alliance

L'alliance militaire du bloc de l'Est est dissoute en 1991, suite à la dislocation de l'Union soviétique. Mais l'Otan, elle, est restée active et s'est élargie vers l'Est. Elle a ainsi intégré en son sein d'anciens membres du Pacte de Varsovie : la Pologne, la République tchèque et la Hongrie. Ont suivi les Pays baltes, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie, la Roumanie. Et même, en 2020, d'autres parties de l'ex-Yougoslavie : le Monténégro et la Macédoine du Nord.

Au début des années 2000, Vladimir Poutine est déjà le président russe et il commence à critiquer cette ouverture de l'Otan vers l'Europe de l'est. Il prétend que l'Otan avait promis de ne pas draguer dans l'ancienne sphère d'influence de l'Union soviétique, une fois acquis le ralliement de l'ancienne Allemagne de l'est (RDA) après la réunification allemande.

Le problème, c'est que cette promesse n'a jamais été fixée par écrit et qu'elle n'est pas visible dans la feuille de route de 1997, qui fixe les relations mutuelles, la coopération et la sécurité entre l'Otan et la Russie.

Quand, en 2008, l'Otan fait miroiter une adhésion future à l'Ukraine et la Géorgie, Vladimir Poutine réagit. Il place une partie du territoire géorgien sous son contrôle et annexe des territoires ukrainiens : la Crimée et des pans de l'Ukraine orientale. Et en 2022, le chef du Kremlin lance l'offensive sur le reste de l'Ukraine.

Matthias Dembinski, chercheur à l'Institut Leibniz pour la recherche sur les conflits et la paix, à Francfort, estime que : "pour ce qui est des menaces et de la réaction de l'Otan, la situation n'a pas tellement changé par rapport à l'époque. La défense collective est de nouveau au cœur de l'Alliance. Il n'y a pas de doute. Les autres missions de l'Otan demeurent cependant, comme assurer la stabilité dans le sud global. Nos partenaires du Sud les prennent d'ailleurs au sérieux, mais l'engagement est moindre."

Un immeuble d'habitation éventré par des tirs d'obus à Kharkiv, en Ukraine (photo du 4 avril 2024)
La guerre en Ukraine a changé la donne pour les armées européennesImage : Sergey Bobok/AFP

L'inconnue des élections américaines

Donald Trump et Joe Biden, les deux principaux candidats à l'élection présidentielle américaine, en fin d'année, sont divisés sur le rôle des Etats-Unis dans l'Otan. Donald Trump suggère de ne plus protéger ceux des 32 membres qui ne contribuent pas assez au financement de l'Alliance.

Joe Biden, lui, estime que la sécurité en Europe reste capitale pour la sécurité des Etats-Unis : "Aujourd'hui, notre alliance reste le rempart de la stabilité et de la sécurité mondiales, comme elle l'a été pendant plus de sept décennies. L'Otan est plus forte, plus énergique et, bien sûr, plus unie que jamais dans son histoire », a  ainsi déclaré le président sortant.

En cas de victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine, les membres européens de l'Alliance se verraient confrontés à un double défi : compenser la perte de leadership américain et faire face aux déperditions en matériel militaire, alors que Vladimir Poutine continue d'être une menace.                                               

Les ministres de l'Otan discutent pendant deux jours à Bruxelles d'accorder à Kiev une enveloppe de 100 milliards d'euros sur le long terme. D'après le chef de l'Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, ce plan vise à renforcer le rôle de l'Otan dans la coordination de l'aide militaire à l'Ukraine et il "prendra forme dans les semaines à venir".

Boris Pistorius avec l'Inspecteur général de la Bundeswehr Carsten Breuer (conférence de presse du 4 avril 2024)
Boris Pistorius annonce la reorganisation de la Bundeswehr, en présence de l'Inspecteur général de la Bundeswehr Carsten BreuerImage : Lisi Niesner/REUTERS

Et l'Allemagne dans tout ça ?

Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a déclaré dans une interview à la DW que l'Otan doit désormais se reconcentrer sur la défense de son propre territoire et l'assistance mutuelle entre ses membres, plutôt que de songer aux missions internationales :

"Nous sommes en train de redresser la barre à toute vitesse. Nous ne gardons plus le cap des missions internationales de crise et des missions à l'étranger. Nous devons renverser la vapeur et reprendre la direction de la défense nationale et de la défense de l'Alliance. Cela prend un moment. C'est ce que nous sommes en train de faire, de mon point de vue".

La guerre en Ukraine qui dure a convaincu l'Allemagne de renforcer ses forces armées. Olaf Scholz a déclaré, en mai 2022, que "l'Allemagne aura[it] bientôt la plus grande armée traditionnelle d'Europe".

En plus de son soutien à l'Ukraine, elle entend renforcer la Bundeswehr. Une révolution dans les esprits allemands depuis la Seconde Guerre mondiale qui nécessite de très gros investissements.

Aujourd'hui, Boris Pistorius a reçu son homologue français Sébastien Lecornu, avec lequel il a annoncé un nouveau projet militaro-industriel entre les deux pays : le "MGC" (Main Ground Combat System), une sorte de véhicule blindé franco-allemand hyperconnecté.

"La France est en tête pour les systèmes de combat aérien grâce à ses capacités exceptionnelles dans ce domaine, a déclaré Boris Pistorius à Berlin. Et nous, Allemands, dans le système de combat terrestre du futur. Aujourd'hui, nous avons réalisé une percée. Il ne serait pas exagéré de la qualifier d'historique pour un tel projet. Nous nous sommes mis d'accord sur la répartition de toutes les tâches de ce grand projet. En ce qui concerne la production, elle sera répartie à parts égales entre les industries des nations concernées."

L'aigle symbole de la Bundeswehr sur un fanion d'élève de l'école de Marine de Parow
L'armée allemande est en train d'être repensée de fond en comblesImage : Stefan Sauer/dpa/picture alliance

De nouvelles entités dans l'armée

Boris Pistorius vient en outre d'annoncer une réorganisation de la Bundeswehr.

Désormais, celle-ci s'articulera autour de quatre corps armés placés sous un commandement unique.

L'armée de terre (65.000 soldates et soldats), l'armée de l'air (environ 28.000 soldates et soldats) et la Marine (environ 15.000 membres de la Bundeswehr) continuent d'exister, mais une nouvelle force dédiée au cyberespace et à l'information, le CIR,  devient le quatrième pilier des forces armées allemandes.

Cette entité sera spécialisée dans la cyberguerre, la protection électronique et le renseignement.

Pour l'heure, environ 16.000 personnes travaillent au sein de la Bundeswehr dans ce domaine. Leur rôle est aussi de sécuriser les voies de communication de la Bundeswehr en Allemagne et à l'étranger, mais aussi de protéger les infrastructures critiques contre les cyberattaques.

Un commando de soutien commun aux différentes branches de la Bundeswehr pourra venir leur prêter main forte pour la logistique, les interventions sanitaires, la défense nucléaire, biologique et chimique, l'action civilo-militaire (Cimic) ou d'autres services de planification.

Le ministre de la Défense réfléchit également à une réintroduction d'une forme de service militaire obligatoire.