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HistoireAllemagne

Allemagne : 100 ans après le putsch manqué d'Adolf Hitler

Nancy-Wangue Moussissa | William Glucroft
9 novembre 2023

Dix ans avant son accession au pouvoir, Adolf Hitler a échoué à renverser la République de Weimar. Le "Beer Hall Putsch" l'a pourtant placé sur la carte politique.

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Adolf Hitler
A l'époque, Hitler n'était qu'un des nombreux politiciens extrémistes de l'AllemagneImage : dpa dena/dpa/picture-alliance

Cette semaine marque le 100e anniversaire d'un tournant majeur dans l'ascension du dictateur nazi Adolf Hitler.

Les événements qui se sont déroulés à Munich les 8 et 9 novembre 1923, bien qu'infructueux sur le moment, ont façonné l'histoire de l'Allemagne et, par là même, le cours du XXe siècle.

A l'époque, Hitler n'était qu'un des nombreux politiciens extrémistes de l'Allemagne, ou de la République de Weimar, comme on l'appelait alors. Peu de gens pouvaient prévoir qu'en l'espace d'une décennie, lui et le parti qu'il dirigeait, allaient prendre le contrôle du pays et entraîner l'Europe dans une nouvelle guerre mondiale, au cours de laquelle l'Allemagne exterminerait des millions de Juifs et de membres d'autres groupes dans le cadre de l'Holocauste.

Une réunion importante à Munich

En 1923, dans la soirée du 8 novembre, Hitler conduit environ 2000 partisans au Bürgerbräukeller, une brasserie du centre de Munich. Des membres du gouvernement bavarois et d'autres personnalités importantes s'y sont rassemblés pour célébrer l'anniversaire de la révolution de 1918, qui a mis fin à l'empire allemand du Kaiser et a donné naissance à la République de Weimar.

Les acteurs du putsch de 1923 dont Adolf Hitler
Gregor Strasser est à la droite d'Hitler. À sa gauche, Franz Xavier Schwarz, trésorier du parti, Max Amann et Ulrich Graf, son garde du corps.Image : Everett Collection/picture alliance

Hitler espère alors faire pression sur les dirigeants bavarois pour qu'ils réalisent leur propre coup d'Etat. La Bavière est déjà en conflit avec les autorités nationales. L'état d'urgence a été instauré et le chef du Land, Gustav Ritter von Kahr, agit avec un pouvoir absolu. 

Si Hitler avait réussi, il aurait pu rassembler le soutien nécessaire pour marcher sur Berlin et remplacer la jeune démocratie parlementaire par une dictature d'extrême droite.

Une journée fatidique

Cependant, ses co-conspirateurs potentiels ont commencé à se retirer et "rien ne s'est passé comme prévu", déclare Wolfgang Niess, historien et auteur d'un livre sur les événements, à l'antenne de Deutschland Funk.

Après l'occupation nocturne de la brasserie, Hitler conduit les putschistes à la Feldherrnhalle, un mémorial du XVIIIe siècle en l'honneur de l'armée bavaroise, mais ils "n'avaient pas d'objectifs concrets", remarque Wolfgang Niess.

Alors qu'ils se déplacent dans le centre de Munich, ils croisent la police bavaroise et les forces militaires. Une fusillade entraîne la mort d'au moins 14 nazis et quatre policiers. 

Le coup d'Etat est déjà terminé.

Une tentative de coup d'état qui galvanise Hitler

Hitler est légèrement blessé et arrêté quelques jours plus tard. Condamné à cinq ans de prison pour haute trahison, il est libéré avec sursis un peu plus d'un an après la tentative de coup d'Etat.

Le complice d'Hitler, le général Erich Friedrich Wilhelm Ludendorff, est pour sa part acquitté. L'ancien général avait l'habitude de remettre en cause le fragile Etat de droit de Weimar et de répandre le mensonge antisémite selon lequel les Juifs et les marxistes étaient responsables de la défaite de l'Allemagne lors de la Première Guerre mondiale.

Si Hitler n'a pas pris le contrôle de l'Allemagne ce jour-là, l'échec l’a enhardi. Pendant son court séjour en prison, il commence à écrire Mein Kampf, une autobiographie qui expose sa vision fasciste et raciste. 

Le livre devient alors un cri de ralliement pour son parti naissant, qui change ensuite de tactique, passant d'une tentative de prise de pouvoir illégale à une prise de pouvoir plébiscitée de l'intérieur. 

Dans les années qui suivent le putsch, les nazis gagnent le soutien des urnes dans tout le pays.

Des conditions parfaites pour le putsch

La tentative de coup d'Etat du 9 novembre 1923 a eu lieu dans un climat de forte instabilité en Allemagne.

Le gouvernement central de Weimar était faible. Des fonctionnaires sont assassinés et l'autorité de l'Etat est menacée par des forces violentes de gauche et de droite. 

L'hyperinflation ravage l'économie et le chômage est généralisé, en particulier chez les vétérans de guerre.

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La capitulation de l'Allemagne devant les forces alliées lors de la Première Guerre mondiale est un souvenir frais et une humiliation nationale. Le traité de Versailles, qui contraint l'Allemagne à payer des réparations de guerre, vient s'ajouter à la pression exercée sur les projets de Weimar.

Hitler et ses partisans nazis allument alors cette poudrière. Bien qu'il ne s'agisse pas de la seule menace intérieure à laquelle Weimar ait dû faire face, leur tentative de coup d'Etat et leur ascension au pouvoir ne sont pas un accident de l'histoire.

"Sans l'aide de nombreux monarchistes, vétérans réactionnaires, nationalistes influents et terroristes politiques de la métropole bavaroise, l'ascension d'Hitler jusqu'en 1923 aurait été impossible", écrit l'historien Daniel Siemens dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.

Des leçons pour aujourd'hui

Le putsch, et l'expérience nazie dont il fait partie, ont eu un impact important sur l’Allemagne, ses lois et ses institutions, jusqu'à aujourd'hui. Pourtant, des dangers subsistent. 

Le parti populiste d'extrême-droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) bénéficie d'un soutien record dans les sondages. Il est arrivé en deuxième position, lors des élections régionales du mois dernier en Hesse, dans l'ouest de l'Allemagne. 

Le logo de l'AfD
L'AfD a été crée en 2013 et possède actuellement 78 députés au Bundestag Image : Julian Stratenschulte/dpa/picture alliance


En Bavière, où Hitler se sentait chez lui et qui lui a servi de tremplin à son ascension vers le pouvoir, plus de 30 % des électeurs ont voté le mois dernier pour l'AfD ou les Electeurs libres, un autre parti populiste situé très à droite sur l’échiquier politique. 

Alors que le premier reste un paria politique avec lequel les autres partis refusent de travailler, le second soutient l'Union chrétienne-sociale conservatrice, au pouvoir dans le gouvernement de l'Etat de Bavière.

Pour certains historiens et observateurs politiques, ce type de coopération est porteur d'échos du passé et d'un sentiment de déjà-vu.

"Si l'on sait ce qui a conduit l'Allemagne à la ruine il y a cent ans, on peut renforcer l'Europe et prévenir de nouvelles catastrophes", a déclaré à Deutschland Funk Jutta Hoffritz, une journaliste qui a également écrit sur la tentative de coup d'Etat d'Hitler. "C'est pourquoi il vaut la peine d'examiner de plus près l'année 1923".